Dimanche 6 Juillet : Genève - Les Marécottes (147 km)

 

Aimé a quitté la ville à 7h30 par un temps brumeux, moi, ce sera à 8h20 sous un soleil radieux et déjà chaud. Aimé a un sérieux vent contre en longeant le lac en direction de Lausanne, moi aussi, si bien que je saute dans la roue lorsque 3 triathlètes me doublent. Cette petite aide bienvenue durera jusqu'à l'entrée de Rolle où la fille du groupe chute n'ayant pas été prévenue par celui qui la précèdait qu'une branche se trouvait en travers de la route. Bravo la solidarité ! Je manque de lui rouler dessus. Heureusement, je suis encore lucide malgré le rythme soutenu que j'ai dû "subir". Finalement, plus de peur que de mal. Par acquis de conscience, l'ambulance est quand même appelée. Je repars soulagé en me disant que, au moins, les monotones soixantes kilomètres entre Genève et Lausanne seront passés plus rapidement qu'initialemenbt prévu.

Lausanne justement. "Lausanne est une belle ville mais ce n'est pas un billard. Je descends par la rue du Midi à pied le vélo en mains, les freins fermés." Contrairement à Aimé, je suis arrivé par le bas de la ville, il me faut donc monter pour trouver la rue du Midi ... juste derrière la gare. Après m'être fait sermonné par une petite vieille parce que j'avais garé mon vélo au milieu de la rue piétonne (déserte ce dimanche matin) qui, comme son nom l'indique, est piétonne, je constate avec effroi et beaucoup de questionnements que la rue du Midi est ... plate, absolument plate !!! Dois-je donc remettre en cause tout ce qu'à écrit Aimé ? A-t-il vraiment déjeuné dans un restaurant du port ? A-t-il vraiment fait la sieste sur la terrasse ? Dois-je croire ce qu'il écrit de cette rencontre fortuite avec un ancien collègue ? "Tout à coup (ça c'est un comble) je vois à cent mètres de l'endroit où j'avais mangé une brasserie au nom d'Eugène Chavert. C'est le nom d'un type avec qui j'ai travaillé autrefois à Chamonix et dont j'ai entendu dire qu'il tenait bistro ici. J'entre, me renseignant, on va chercher Monsieur. C'est lui. Cordiale poignée de mains. Mais il ne m'a même pas offert un bock. En somme il n'y a rien de changé, à Chamonix, étant garçon c'est toujours moi qui ai régalé à part les jours où je mettais les pieds dans le plat. Je suis sorti sans consommer pour ne pas lui faire affront en le remerciant et avec mon meilleur sourire à sa femme qui ma foi est une belle blonde."

C'est la tête farcie de questions que je repars en direction de Martigny.

Ensuite, je pique-nique au bord du lac à Cully, je traverse Vevey, Montreux, c'est laid ! Je m'arrête à Villeneuve, à l'endroit où je vais quitter le lac Léman, prends un café (pas très bon) que je paie 3,30 CHF ! Je vais remonter la vallée du Rhône maintenant. Aimé n'ayant pas trouvé de chambres disponibles à Aigle, un cirque étant en ville, il poussera jusqu'à Monthey. Moi, n'ayant pas trouvé de personnes pouvant m'héberger dans la vallée sur le site "Warmshowers.org", je pousserai jusqu'aux Marécottes, au-dessus de Martigny.

Et un fort agréable vent dans le dos me poussera jusqu'à Vernayaz. Le bonheur !!! Arrivé au pied de la cascade de Pissevache, j'achète des abricots du Valais et j'écoute la vendeuse, de son charmant accent italien, me préciser que, pour les Marécottes, la montée est dure, dure, dure !!!

 

Virage à 180° à droite, remplissage des bidons et c'est parti ! L'excitation monte petit à petit, la lecture du récit d'Aimé me fait saliver depuis des mois ... "Je suis presque à Martigny et prends une nouvelle route dont on m'a dit grand bien pour son pittoresque. Je passe d'abord sur un pont (formidable) qui n'a pas l'ampleur du pont de la Caille mais la gorge qu'il surplombe est plus étroite est plus profonde : au fond coule le Triens.

 Un peu plus haut la route devient un simple chemin d'intérêt local, il n' y a pas de pierre mais des raidillons et des descentes extraordinaires. Avec cela un peu de pluie. Je patine en marchant et souvent je fais du chemin à pied, dérape en descente sur des pentes de 15 à 18 pour cent, mais le paysage est d'un sauvage qui tient du merveilleux. Sur mon chemin je trouve les gorges du Triens, un coin rare. Je tire une photo avec beaucoup de mal car il y a du brouillard."

J'arrive effectivement au pont de Gueuroz construit en 1934. (Un autre, parallèle, a été construit depuis.) Tout en bas, en bas, en bas, le Trient, vert émeraude, se fraye un passage dans la gorge. Mon hôte du soir m'apprendra plus tard, qu'un sentier a été aménagé dans la falaise pour aller rechercher plus facilement ... les suicidés qui se lancent depuis le pont !

Pendant 29 ans, il fut le plus haut pont d'Europe, détrôné seulement par l'Europabrücke situé au nord d'Innsbruck sur l'autoroute du Brenner.

Mais pourquoi un tel pont ici ? Pour le tourisme pardi ! Cette route (appelée à remplacer la "route des Diligences" tracée au XIXe siècle entre Vernayaz et Finhaut) aurait dû continuer, comme la ligne de chemin de fer Martigny - Chamonix, à acheminer les riches touristes étrangers dans des stations d'altitude réputées comme Finhaut où je passerai demain. Mais la Première Guerre Mondiale et la crise des annés 30 ont amorcé le déclin et la fin de l'âge d'or du tourisme dans la vallée du Trient ...

Je continue à monter, la route est impressionnante, il ne s'agit pas de rater un virage. Peu de chance à la vitesse à laquelle je progresse !!!

J'arrive à Salvan. Connu pour la liaison de télégraphie sans fil vers les Marécottes réalisée par Marconi en 1895, connu aussi pour le suicide collectif des membres de la secte du Temple Solaire. Et je me souviens, le panneau "Chevaline" d'hier, lieu du massacre du famille anglaise et d'un cycliste qui passait par là. Mon voyage plongerait-il dans le morbide ?

La pente est terrible jusqu'aux Marécottes. Je m'arrête à l'office de tourisme où je demande le chemin des Dames où Xavier doit m'héberger. On m'envoie au chemin des Messieurs juste au moment où l'orage éclate. A l'abri du toit de l'église, j'attends ... Une dame sortant de chez elle m'aide à retrouver mon chemin. Il est 18h et me voilà arrivé à destination.